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Le percement du passage Soufflot

Parmi les grands travaux d’urbanisme initiés par la municipalité de Charles Surugue durant ses mandats de 1900 à 1912, figurent l’ouverture et l’aménagement du passage Soufflot.

La rue Soufflot avant le percement

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Extrait du "Plan d'Auxerre pour les recherches historiques et statistiques. Sur cette Ville ses Monumens et ses environs." 1829 (Bibliothèque municipale, GPL z 109 ex 3 )

Dénommée jadis « Petite Rue Neuve », la rue Soufflot prend son nom actuel au milieu du XIXe siècle en hommage au célèbre architecte Jacques Germain Soufflot, né à Irancy le 22 juillet 17131. Située dans un quartier résidentiel cette rue n’a, à l’origine, pas de débouché sur le boulevard : elle se termine sur la rue Neuve (actuelle rue Hippolyte Ribière2), qui lui est perpendiculaire (voir le plan ci-dessus GPL z 109 ex 3, également en ligne).

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La propriété dite « Maison Leblanc-Duvernoy » avant percement (Archives municipales, 2 Sprov 161)

Le débouché sur la promenade est fermé par la propriété située au n° 43 et 43 bis de la rue Hippolyte-Ribière et donnant par derrière sur le boulevard du Temple. Cette grande maison bourgeoise d’environ 1684 m², dite « Maison Leblanc-Duvernoy », appartient en 1900 à Adélaïde Leblanc-Duvernoy.

Une demande des habitants rencontre la volonté de la municipalité

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Extrait du "Plan général de la ville d'Auxerre et de ses abords en 1881" (Archives municipales, CP 12/61)

En janvier 1901, une pétition des habitants parvient à la commune. Elle demande le percement d’une voie afin de faciliter le passage entre le centre-ville et les nouveaux quartiers qui se développent au-delà des boulevards.

L’ouverture de la rue Soufflot semble alors toute indiquée, cette rue se situant géographiquement entre la porte du Temple et la porte d’Egleny (voir le plan CP 12/61, également en ligne).

Cette volonté des citoyens rencontre les projets de la municipalité de l’époque, et notamment de son maire Charles Surugue, engagée dans les grands travaux d’équipements et de modifications urbanistiques de la ville (marché couvert, écoles, distribution des eaux, hôtel des postes…).

Dès leur élection en mai 1900 les nouveaux conseillers municipaux souhaitent créer des salles de réunions. Plus particulièrement, Germain Bénard propose la création d’« une maison du peuple » au sein de laquelle « [...] toutes les sociétés de secours mutuels et sociétés ouvrières pourraient se réunir [...] »3.

L’acquisition de la propriété Leblanc-Duvernoy permettrait donc d’une part d’aménager une maison du peuple et, d’autre part d’assurer la liaison entre le quartier Saint-Eusèbe et le boulevard du Temple par le percement de la rue Soufflot, conformément au souhait émis par les habitants.

La proposition est confiée à la commission des grands travaux spécialement créée par la municipalité pour étudier les projets d’aménagements urbains et leurs financements.

La définition du projet

Le projet initial est ambitieux : la dépense se monte à 260 000 francs, comprenant l’acquisition de 2 propriétés (la propriété Leblanc-Duvernoy et une partie de la propriété de M. Leclerc), la construction d’un bâtiment neuf pouvant accueillir de grandes salles de réunion, le percement de la rue, l’aménagement des anciens bâtiments et de toilettes4.

Rapport de la commissions des Grands travaux rapporté au conseil municipal du 19 avril 1901 :

« [...] on obtiendrait avec cette dépense un passage de six mètres sous la maison actuelle, l’établissement de jardinets renfermés du côté du boulevard avec chalet de nécessité et urinoir, logement d’un concierge, six salles de réunion de commission destinées aux diverses sociétés de la Ville, deux grandes salles de réunion au rez-de-chaussée d’un bâtiment neuf, l’une pouvant contenir 350 personnes pour les assemblées générales des diverses sociétés, l’autre destinée spécialement au sport auxerrois ou à d’autres sociétés similaires, enfin une grande salle de fêtes utilisant tout le 1er étage de ce dernier bâtiment, l’accès de salle ayant lieu par le boulevard au moyen de grands escaliers établis dans un vestibule de ce côté. ».

Le principe de l’acquisition et des travaux est validé en conseil municipal dès le 19 avril 1901 à 12 voix contre 8.

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Avis d'enquête (Archives municipales, Aff 3/7)

Cependant durant deux ans, les discussions restent vives et suivies au sein du conseil municipal concernant le contenu et le calendrier du programme.

La municipalité Surugue étant engagée dans un grand programme de travaux, des conseillers craignent le retard qui pourrait résulter de l’adoption de ce projet (pour la construction des écoles primaires notamment) ; la question du financement est également discutée, tout comme l’opportunité d’installer des salles de réunion en ce lieu de la ville ; d’autres souhaitent à plusieurs reprises revendre les excédents de terrains qui pourraient résulter de ce projet.

Certains évoquent des problématiques très concrètes : la création d’un passage pour voitures pourrait créer une gêne sonore pour les concerts donnés au kiosque à musique sur le boulevard du Temple !

La réalisation : la transformation d’un bâtiment ancien

Le projet est donc modifié et précisé à plusieurs reprises entre 1901 et 1903.

Il est d’abord acté que le projet d’exécution n’interviendra qu’après ceux d’autres grands travaux (les projets du marché, des eaux et des écoles5). En outre, la construction d’un nouveau bâtiment qui devait notamment accueillir une grande salle de réunion est suspendue6. Finalement, seuls les bâtiments anciens de la propriété Leblanc-Duvernoy sont transformés.

La réduction du périmètre du projet met fin à la perspective d’achat par la ville de la propriété de M. Leclerc7. La propriété Leblanc-Duvernoy est quant à elle acquise pour 70 000 francs, le 10 août 1903.

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Plan annexé à la déclaration d’utilité publique du 11 mai 1903 (Archives municipales, 1 O 40)

Les travaux font l’objet d’un emprunt pour un montant de 75 000 francs 8 comprenant :
    • le percement de la rue par un passage de 5 mètres de large pour 5 mètres de haut (la largeur étant suffisante pour permettre le passage des voitures) donnant accès au boulevard du Temple,
    • un jardin public (les 2 squares du côté de la promenade du Temple),
    • l’aménagement du bâtiment ancien, avec notamment au premier étage une salle de réunion et au rez-de-chaussée deux petites salles, ainsi que des toilettes publiques.

De la maison du peuple au passage Soufflot

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Vue prise depuis la promenade du Temple (Archives municipales, 27 S 196)

Cette réalisation est inaugurée le 4 septembre 1904, parmi d’autres grands travaux de la municipalité Surugue, à l’occasion de la visite à Auxerre du président du Conseil Émile Combes (voir sur ce sujet le billet historique Un voyage d'Émile Combes à Auxerre en 1904).
Désignée au début du projet comme « maison du peuple », cette dénomination est peu à peu remplacée par les termes de « maison Soufflot » (pour le bâtiment) et de « passage Soufflot » (pour le lieu géographique). C’est d’ailleurs sous le terme de « passage Soufflot » que ce lieu apparaît dans l’album album souvenir commandé par la Ville pour célébrer le passage d’Émile Combes [consultable en ligne].
En effet, le bâtiment rénové fonctionne plutôt comme salle de réunion et d’activités que comme à proprement parler une « maison du peuple ». Un nouveau projet de maison du peuple, plus ambitieux, voit le jour à partir de 1937 à l’emplacement du théâtre actuel.

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1. Délibération du conseil municipal du 9 février 1853.

2. Délibération du conseil municipal du 1er mai 1902.

3. Délibération du conseil municipal du 30 mai 1900. Une maison du peuple est un lieu de rencontre et de vie sociale dédié plus particulièrement aux mouvements ouvriers.

4. Rapport de l'architecte du 1er avril 1901 (1 O 40).

5. Délibération du conseil municipal du 4 mars 1901.

6. Délibérations du conseil municipal du 15 novembre 1901, puis du 20 février 1902.

7. Délibérations du conseil municipal du 1er juiller 1903.

8. Délibérations du conseil municipal du 6 novembre 1903.

V. Rousselet/Ville d'Auxerre - 2021