Et si la ZAC Saint-Siméon m’était contée...
Beaucoup d'entre nous et les habitants eux-mêmes ignorent quelle est l'histoire de la ZAC Saint-Siméon, parfaitement visible sur le sommet de sa colline qui surplombe la ville. Pourquoi, quand, comment ?
Suite au développement de la population auxerroise et après avoir fait construire la ZUP Sainte-Geneviève, la municipalité envisage au milieu des années 1960 de créer un nouveau quartier sur les Hauts d’Auxerre. Le conseil municipal, par délibération du 25 février 1972, le dénomme quartier Saint-Siméon1.
La conception et la construction
L'objectif est la création de 1 700 logements. Ceux-ci doivent être répartis en 1 250 logements locatifs HLM, 400 logements en location de possibilité d’accession à la propriété, et 50 maisons individuelles – cette dernière tranche ne fait pas partie de notre chronique. En 1991, ces chiffres sont revus à la baisse avec 1 269 logements locatifs, 320 logements en copropriété et 62 maisons individuelles sorties de terre. La réalisation de ce projet est dévolue à la SEMAuxerre, sous l’égide de l’Office public municipal HLM et de l’architecte, Michel Herbert, pour un coût estimé de 85 570 000 F.
Contrairement à la mode des grandes tours et barres, ces immeubles cubiques d’une hauteur moyenne de deux à sept niveaux se répartissent comme des grappes de six ou sept ensembles sans séparations. La plantation d’arbres doit atténuer la rudesse de ces constructions. Autre particularité, le quartier est conçu pour être totalement piétonnier, d’où la construction de parkings périphériques. Les garages voient le jour bien plus tard, en 1982.
Les travaux commencent en 1972, les premières locations se font en février 1974. Les travaux s’achèvent en 1979.
Les infrastructures
L'enseignement
Au premier chef, il faut intégrer la construction de groupes scolaires pour accueillir les enfants. L’idée initiale est de construire trois écoles situées aux points cardinaux du quartier. Finalement deux écoles sont regroupées dans un même lieu. La décision de construire le premier groupe scolaire est prise par délibération du 21 décembre 1972. La première rentrée s’y effectue en 1973. Pour le second, la remise des locaux est faite à la ville le 16 mai 1975 pour la rentrée de septembre 1975. La délibération du conseil municipal du 30 juin 1978 leur attribue le nom des écrivaines célèbres, à savoir Marie Noël et Colette.
Le social et la culture
On ne parle pas encore du temps libre de l’enfant, d’où la construction de la Maison de l’enfance, qui accueille en centre de loisirs et en garderie les bambins hors du temps scolaire. Sa création est décidée par délibération du conseil municipal du 16 novembre 1973 et elle ouvre en février 1975.
Il est convenu de créer un Centre d’animation urbaine (CAU) qui accueille un centre social, un centre socio-culturel, une halte-garderie et un centre de jour pour personnes âgées, proche du centre commercial à venir. Le CAU voit le jour sur la dalle du supermarché et ouvre ses portes en mai 1975.
Dans le domaine social, signalons également l’existence d’un F2 attribué à la CAF, où sont prodigués des conseils aux mères pour les soins aux nourrissons et le planning familial, et pratiquées quelques activités manuelles. Un appartement plus grand est attribué à la crèche de l’ « Association des petits lutins ».
S’installe aussi une bibliothèque municipale annexe qui devient fonctionnelle dans le groupe scolaire n° 1 à compter de décembre 1975.
L'animation
La dernière structure sortie de terre est la Maison de quartier qui prend le relais du CAU. Sa construction commence en l'été 1996. Elle ouvre ses portes à la fin de l'année 1997.
Après l’éducation, l’accueil social, la culture, il faut maintenant penser au ludique. Tout ce monde-là ne va pas rester enfermé dans les appartements ou les structures. L’aménagement du parc central du Merlot se dessine pour permettre aux habitants de profiter pleinement de l’air pur des Hauts d’Auxerre. Commencé en 1976 et après de nombreux travaux d’équipement, il deviendra totalement fonctionnel en 1981.
Le commerce et les services
Difficile pour les locataires de descendre en ville pour leurs provisions. Heureusement, tout était prévu : le supermarché SAVECO (« Savoir économiser ») accueille ses premiers clients en octobre 1974. Il est entouré de commerces de proximité (salon de coiffure, boulangerie, pharmacie, banque). De plus, une cafétéria sur la dalle, capable d’accueillir 200 personnes, enrichit ce pôle commercial.
Un bureau de Poste et une mairie annexe s'ajoutent à cet ensemble en mars 1984.
La dalle
La dalle a été le théâtre de nombreux chamboulements. En effet, après l’implantation de la cafétéria et du CAU, il s’y est aussi construit deux courts de tennis mis à la disposition des habitants moyennant une contribution modeste. Ceux-ci ont été utilisés par plusieurs générations mais ont été fermés suite à des dégradations répétées. Plus tard, un parking lui succède, mais les problèmes de structure porteuse mettent fin à cette utilisation. Servant aussi d’aire de jeu, cet emplacement a permis aux parents dont les appartements avaient vue sur la dalle de surveiller leurs enfants en toute sécurité.
L'emprise de l'automobile
Le vœu de la municipalité, celui d’un secteur intérieur tout piéton, s’est effiloché au fil des ans. Peu à peu les véhicules grignotent de la place à l’intérieur du périmètre. Cette situation entraîne des problèmes de voisinage et de sécurité (accès pour les véhicules de secours). La municipalité a tenté tant bien que mal de résoudre ce problème par des arrêtés municipaux et des campagnes de verbalisation. À partir des années 1990, cet état de fait entraîne la réalisation de travaux pour favoriser la circulation et le stationnement licite à l'intérieur de la ZAC.
Dénomination des voies
Le quartier est traversé par de nombreuses allées dont les noms ne disent pas forcément grand chose aux habitants. À l'inverse d'autres quartiers où les noms de rues sont associés à des personnages, à des régions, des fleurs, des chanteurs, des batailles, etc. Alors pourquoi Foulon, Barbienne, Heurtebise... ?
Curiosité quand tu nous tiens... C’est en cherchant dans le Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l’Yonne de 1900 que nous trouvons quelques réponses (tout en sachant que la toponymie n’est pas une science exacte). Ces allées sont associées à des noms de climats. Il ne s’agit pas de météorologie car, en Bourgogne, on désigne par ce terme un groupe de parcelles de terres voisines qui possèdent les mêmes caractéristiques agricoles.
Barbienne : « Berbienne » signifiait un lieu fréquenté par les brebis.
Beauvoir : c'est à cause du point de vue Beau à voir, qui se déroule sous les yeux du promeneur circulant sur ce vaste plateau, que ce climat porte ce nom depuis des siècles.
Beschereau : désigne un petit ruisseau, un canal et, par extension, un moulin à eau.
Colémine : vient du latin culmen (sommet), en fait le point haut du site.
Foulon : terre à foulon, argile qui servait à dégraisser les draps.
Heurtebise : pointe de coteau exposé au vent du nord-est.
Merlot : cépage de raisin bien connu.
Montois : Montois était synonyme de colline.
Palmes : une vaste friche qui occupe toute la partie supérieure du climat.
Roncelin : peut-être une pièce de terre où abondaient les ronces ?
Les parkings extérieurs portent les noms des points cardinaux (Levant, Midi, Nord, Ouest).
Pour conclure, ce quartier, avec toute sa diversité, garde une tranquillité évidente et où, semble-t-il, il y fait bon vivre.
J. Bozal/Ville d'Auxerre - 2018
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1. Une chapelle Saint-Siméon, située au bord de la route de Sens, a donné son nom à la colline sur laquelle elle se trouvait. Par extension, ce nom a été donné au nouveau quartier.
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Sources :
- Délibérations du conseil municipal (conservées aux Archives municipales d’Auxerre).
- Brochure de l'Office Public Municipal d'HLM « 1930-2000, 70 années au service des auxerrois ».
- Bulletin municipal d'information « Auxerre Actualité » janvier et septembre 1984.
- Bulletin municipal d'information « Auxerre Magazine » avril 1987.
- Étude, analyse et propositions « Saint-Siméon, quinze ans après » par Laurent Gautard, architecte-urbaniste à Joigny