Le deuxième chapitre regroupe les actes constitutifs de la communauté, c'est-à-dire les titres originels fondant l'existence juridique de la communauté d'habitants au Moyen Âge et sous l'Ancien Régime.
I. — Naissance de la communauté d'habitants
Lorsque la communauté d'habitants d'Auxerre apparaît, à la fin du XIIe siècle, elle est implantée sur le territoire de plusieurs seigneuries. À l'intérieur de l'enceinte construite par le comte Guillaume IV en 1166 se trouve la seigneurie de l'évêque et du chapitre de Saint-Étienne. Son pouvoir s'étend dans l'ancienne cité et sur les principaux sanctuaires suburbains, ainsi que sur des emplacements à vocation économique. L'espace intra-muros restant, placé sous la suzeraineté de l'évêque, comprend la seigneurie du comte d'Auxerre, possesseur du château et de la partie occidentale de la ville, ainsi que la seigneurie de l'abbaye Saint-Germain, qui possède un bourg au nord de la cité. Extra-muros, le bourg Saint-Julien est sous la dépendance de l'abbaye du même nom, tandis que le bourg Saint-Gervais dépend du duc de Bourgogne.
Au cours du XIIe siècle, les points de contestations entre ces différents seigneurs ne manquent pas, notamment entre le comte et l'évêque. Vers 1174-1175 le comte Guy de Nevers tente d'instaurer une commune mais son projet se heurte à l'opposition de l'évêque. Ce dernier obtient du roi une charte qui met un terme aux velléités comtales en interdisant d'introduire des nouveautés en matière de coutumes. En raison de l'intervention de l'évêque, Auxerre ne peut devenir ville de commune.
C'est au comte Pierre de Courtenay que les Auxerrois doivent le développement de leurs libertés. Yves Sassier distingue trois étapes qui font d'Auxerre « une grande ville de franchise ».
Dans un premier temps, Pierre de Courtenay procède à la concession de garanties individuelles. Le point de départ en est l'affranchissement des bourgeois du comte en 1188. On notera que cet acte s'inscrit dans le cadre d'une politique que Pierre de Courtenay mène par ailleurs à Nevers, à Courtenay ou à Tonnerre. En 1194, le comte octroie à ses hommes d'Auxerre une charte qui accroît considérablement leurs libertés en concédant « un ensemble cohérent de privilèges fiscaux, de garanties judiciaires, de garanties de libre circulation des personnes, qui aboutissaient à réduire l'arbitrage seigneurial et à consacrer juridiquement un statut de liberté ».
Vient ensuite une période placée sous le signe de l'association dont deux chartes se font l'écho, en 1200 et en 1214. Les bourgeois participent à la fixation du cens et sont autorisés à lever des impositions pour les besoins de la ville.
Enfin, à partir de 1216, la délégation des pouvoirs se fait plus nette lorsque Pierre de Courtenay cède à bail à ses bourgeois l'ensemble de la ville et de ses dépendances pour une durées de six ans. Un corps de ville de douze bourgeois élus par la communauté nomme le prévôt et assure la gestion des intérêts de la ville. Un conseil de surveillance de quarante bourgeois, placé sous la présidence de l'évêque est chargé de connaître des délits commis par les élus dans l'exercice de leurs fonctions.
À la mort de Pierre de Courtenay, son héritière Mathilde commence par reprendre en main l'administration du comté et de la ville d'Auxerre. Mais en 1223, elle concède aux habitants d'Auxerre une grande charte de franchise qui reprend l'essentiel des dispositions de la charte de 1194. Ce texte comprend également quelques nouveautés, dont l'affranchissement des serfs du comte vivant à Auxerre et la permission d'élire un corps de ville de douze jurés chargé de l'administration de la communauté. Lorsque Mathilde leur baille à ferme la perception du cens dans les années 1230, les jurés obtiennent une plus ample participation aux affaires de la communauté. En 1260, Eudes, gendre de Mathilde concède aux douze jurés le droit de juger eux-mêmes au civil et au criminel mettant en cause les bourgeois de la ville sur le territoire d'Auxerre.
La communauté d'habitants s'organise donc progressivement en pouvoir autonome, en bénéficiant d'un corpus de concessions comtales successives. La politique des comtes d'Auxerre incite les seigneurs ecclésiastiques auxerrois à des concessions à l'égard de leurs dépendants : en 1204 le chapitre affranchit ses bourgeois de la mainmorte contre 600 livres de Provins. L'abbaye Saint-Germain fait de même en 1256 moyennant 1 000 livres de Provins, pour financer un procès l'opposant à Cluny. Toutefois, il faut attendre la fin du XIVe siècle pour « que l'intégralité des habitants d'Auxerre fussent partie prenante à l'administration mise en place par les comtes aux XIIIe et XIVe siècles ».
II. —Présentation des actes constitutifs
A. Les cartulaires
Les cartulaires sont des recueils de copies de documents, transcrits sur registres afin d'en assurer la conservation et d'en faciliter la consultation. Deux cartulaires de la communauté d'habitants d'Auxerre, transcrits sur parchemin, ont été conservés. Ils ouvrent la description en raison de leur importance pour la connaissance de l'histoire de la communauté.
La rédaction du premier cartulaire (Feudiste Case A) a été effectuée en vertu d'une délibération de l'assemblée générale des habitants du 27 janvier 1459, sous la direction d'Étienne Naudet, gouverneur ecclésiastique, de Jean Johannis et Simon Tribolé, gouverneurs, de Gasselin L'Usurier, receveur, et de Germain de Coiffy, procureur du fait commun. Signalons tout particulièrement la première page où « est peint l'écusson des armes de la ville, qui sont d'azur au lion rampant et semé de billettes du second. Un ange nimbé d'or aux ailes rouges, robe blanche et manteau vert, soutient l'écusson qui est inscrit dans un grand C, première lettre du mot Cartulaire ». Selon Henri Forestier, le manuscrit pourrait être attribué à Étienne Sanderat, copiste et miniaturiste originaire d'Auxerre ayant travaillé pour Jean de Chalon.
Le cartulaire s'ouvre sur une table de 44 chartes, datées de 1188 à 1456, copiées lors de la première rédaction qui occupent les 73 premiers folios du registre. À compter du folio 73 des actes de l'époque moderne ont été copiés jusqu'en 1687.
Le second cartulaire (Feudiste 1 n° 9) a été rédigé à Dijon en juillet 1548, ainsi qu'en témoignent les formules de collation du notaire Robillart qui a effectué les copies. La confection de ce recueil est moins ambitieuse que celle du grand cartulaire : il s'agit d'un simple cahier de parchemin sans reliure ; le décor est constitué de traits de plume noirs. La première page est cependant ornée de motifs végétaux et de phylactères qui portent notamment les formules de l'Ave Maria. Ces motifs se retrouvent également à l'intérieur de l'ouvrage.
Entre la rédaction de ces deux cartulaires manuscrits, on signalera l'impression vers 1476, d'un recueil intitulé Chartres d'Aucerre contenant « coppie des chartres, immunités, libertés, previleges et franchises donnees et octroyees par les comtes d'Aucerre », aujourd'hui conservé à la Bibliothèque nationale de France.
B. Franchises accordées aux habitants d'Auxerre par les comtes d'Auxerre et par l'abbé et le monastère de Saint-Germain
De nombreux titres transcrits au premier cartulaire ont disparu ; on a donc rassemblé les pièces subsistantes dans un second ensemble de documents.
Les actes concédés par les comtes d'Auxerre y sont les plus nombreux. On notera en particulier un petit ensemble d'actes de Jean II de Chalon expédiés entre 1346 et 1362.
Ces actes sont suivis par deux pièces relatives aux relations entre les habitants d'Auxerre et l'abbé et le monastère de Saint-Germain.
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1. Yves Sassier, « Auxerre au Moyen Âge, 1re partie : histoire générale ; vie politique et institutionnelle », dans Jean-Pierre Rocher, dir., Histoire d'Auxerre des origines à nos jours, Roanne, Éd. Hovarth, 1984, p. 93-120, à la p. 101.
2. Maximilien Quantin, « Le comté d'Auxerre au XVe siècle », dans Bulletin de la société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, p. 208-246, aux p. 212, 217-218.
3. Yves Sassier, « Auxerre au Moyen Âge... », op. cit. , p. 10 3 et suiv .
4. Ibid. , p. 10 3 et suiv .
5. Maximilien Quantin, « Le comté d'Auxerre... », op. cit., p. 220.
6. Yves Sassier, « Auxerre au Moyen Âge... », op. cit. , p. 10 8.
7. Max Quantin, « Catalogue des cartulaires du département de l'Yonne », dans Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, 1881, p. 60-76, p. 67.
8. Sur l'attribution du manuscrit à Étienne Sanderat, voir Henri Forestier, Auxerre et sa cathédraleMémoires de la Société nationale des antiquaires de France, Association des amis des orgues de l'Auxerrois, Auxerre, 1982, p. 106. Sur Étienne Sanderat, voir A. Janvier, « Le livre de la propriété des choses par Barthelémy de Glanville », dans Mémoires de la Société nationale des antiquaires de France, 6e série, t. 1, 1890, p. 373-392.
9. Les folios originels 1 et 2 sont manquants : le premier acte du cartulaire est donc lacunaire.
10. Henri Monceaux, « Chartes, libertés, privilèges et franchises d'Auxerre au XVe siècle », dans Annuaire de l'Yonne, 1897, p. 177-204.