Notion englobante sous l'Ancien Régime, la police désigne l'ensemble des pratiques visant à assurer la bonne administration du territoire : il s'agit aussi bien du maintien de l'ordre et de la sécurité publique, que de la surveillance des activités économiques.
I. — L'origine des pouvoirs de police du corps de ville
Les franchises concédées par Pierre de Courtenay (1194) et sa fille Mathilde (1223) offrent à la communauté d'habitants d'Auxerre ses premiers pouvoirs de police. Mais l'essentiel des prérogatives de police reste cependant l'attribution du comte d'Auxerre, par l'intermédiaire de son représentant, le bailli comtal. Après la réunion du comté d'Auxerre à la Couronne, le prévôt royal hérite des attributions du bailli comtal.
La ville d'Auxerre obtient une juridiction de police par lettres patentes données à Troyes le 28 mars 1563, mais ce documents n'a pas été conservé. Les prérogatives des villes en matière de police sont renforcées par l'ordonnance de Moulins de 1566 (articles 71 et 72) qui confirme les compétences de police des maires, échevins et consuls. L'édit d'Amboise (1572) réitère ces dispositions en conduisant à la création de bureaux de police dans les villes où un juge royal participe à la police.
L'exercice des pouvoirs de police avant la fin du XVIIe siècle prend à Auxerre la forme de conclusions du corps de ville et se traduit également par la désignation de « juges politiques », dont on a gardé trace entre 1618 et 1684. Les attributions respectives du corps de ville et du prévôt royal sont étroitement mêlées, comme semble le confirmer une ordonnance de 1693, rendue par Félix Boucher, prévôt royal et juge ordinaire et de police d'Auxerre, mais en présence d'André Marie d'Avigneau, lieutenant général au bailliage et siège présidial d'Auxerre, et de députés des corps de la ville – dont des échevins –, sur requête du gouverneur du fait commun et des échevins d'Auxerre.
Grâce à l'initiative du pouvoir royal qui rencontre à Auxerre un net intérêt de la part du corps de ville, les dernières années du XVIIe siècle et le début du XVIIIe siècle voient une rapide évolution dans la définition et la répartition des pouvoirs de police.
Soutenu par le corps de ville, le maire d'Auxerre s'engage dans une procédure contestant les prérogatives du lieutenant au bailliage et siège présidial et celles du prévôt royal en matière de jurandes et de réception des serments des métiers. Un arrêt du Conseil du 13 mai 1699 met un terme provisoire aux revendications du maire et confirme les pouvoirs de police du lieutenant général et du prévôt.
En s'inspirant de l'exemple du lieutenant général de police institué à Paris en 1667, le roi crée des offices de lieutenant général de police dans les villes sièges de juridictions royales (édit d'octobre 1699), complétés par la création d'offices de procureur, de greffier et d'huissier des tribunaux de police (édit de novembre 1699). Les pouvoirs conférés aux lieutenants généraux de police sont larges : ils comprenant notamment le contrôle de la sécurité et de la salubrité publiques, la surveillance des approvisionnements, des lieux de vente et celle des transactions de produits alimentaires, une tutelle sur les communautés de métiers et leur fonctionnement, ainsi que des pouvoirs de contrôle administratif sur certains actes des corps de ville.
À Auxerre, récemment confortés dans leurs prérogatives respectives, le lieutenant général au bailliage et siège présidial et le prévôt royal d'Auxerre, se portent acquéreurs de l'office de lieutenant général de la police. Mais à la suite d'une proposition des États de Bourgogne, une déclaration du roi d'août 1700 entérine le rachat par les États des offices créés par les édits d'octobre et novembre 1699 : les offices de lieutenant général de police, de procureur, greffier, commissaire et huissier de police sont unis aux offices de maire, échevins, procureur du roi, substitut et greffier des hôtels de ville.
La déclaration du roi d'août 1700 est enregistrée par le corps de ville d'Auxerre le 10 octobre 1700. Le même jour les officiers municipaux prennent une ordonnance en tant que juges de police. La question de l'exercice collégial de la police est rapidement soulevée par les échevins hostiles à un exercice réservé au seul maire. Ainsi, les actes désignent conjointement le maire et les échevins comme juges de police jusqu'en novembre 1701. Mais à partir de la fin de l'année, seul le maire apparaît comme juge de police. Le maire, juge de police, est secondé par le procureur du roi de l'hôtel de ville exerçant également comme procureur de police, ainsi que par les échevins. Cette assemblée, émanation du corps de ville d'Auxerre, siège en tant que « bureau de ville et police ».
II. — Présentation du plan de classement
A – Correspondance d'Henri-Charles de Saulx-Tavannes relative au maintien de l'ordre
Le corps de ville n'est pas seul à disposer de pouvoirs de police. Ainsi, le maintien de l'ordre reste une prérogative du lieutenant général de la province. En tête de classement figurent donc la correspondance d'Henri-Charles de Saulx-Tavannes adressée au corps de ville concernant les dispositions à prendre contre des contrebandiers, entre novembre 1754 et février 1756, puis des éléments de signalement pour la recherche d'un suspect, entre avril et mai 1757.
B – Exercice des pouvoirs de police par le corps de ville
• Antérieurement à la réunion au corps de ville de l'office de lieutenant général de police, les documents conservés sont peu nombreux. On notera néanmoins la présence de copies de conclusions du corps de ville pour la nomination des juges politiques, entre 1618 et 1684. Deux autres pièces peuvent être rattachées à cette période : une copie d'un arrêt du Conseil relative à la police des manufactures, et une copie de conclusion relative aux prérogatives du maire en matière de jurandes.
• Après une pièce concernant l'organisation de la juridiction en 1701, les archives émanant du siège de la police ont été scindées en deux domaines, le maintien de l'ordre public et la réglementation, d'une part, et l'activité contentieuse, d'autre part. Les documents ont ensuite été présentés suivant les différentes matières dans lesquelles la juridiction intervient.
– La partie consacrée à l'ordre public et à la réglementation s'ouvre par les documents relatifs à la police économique. Celle-ci comprend tout d'abord une activité ponctuelle d'inspection et de vérification de titres et d'espèces, conduite par le corps de ville en 1701-1702, puis en 1721. Le contrôle de l'activité marchande ne comprend que deux pièces, du premier quart du XVIIIe siècle. En revanche la police des marchés est un domaine dans lequel la juridiction est particulièrement active, qu'il s'agisse de la police des lieux de vente ordinaires (halle aux grains, halle de la charcuterie, halle au poisson) ou extraordinaires (foire de la Madeleine). La surveillance des prix et la police des subsistances constituent également un domaine d'intervention majeur de la juridiction. Cette thématique est abordée par trois types de documents : des ordonnances de police réglementant le commerce des blés ; des registres de mercuriales formant une série continue de 1666 à 1679, de 1716 à 1754, et de 1757 à 1786 ; et, enfin, des carnets de relevés de prix des céréales vendues sur les marchés d'Auxerre, rédigés majoritairement par le commissaire de police Millot, de 1766 à 1782, tandis qu'un registre anonyme couvre la période 1786-1788.
– La police des métiers regroupe quatre thématiques différentes. La police des manufactures a donné lieu à la rédaction de deux pièces seulement, en 1702, puis en 1735. La juridiction porte en revanche une attention soutenue à l'enregistrement des réceptions à la maîtrise et à l'élection des maîtres jurés des communautés de métiers ; une série de registres couvrant la période 1700-1789 en témoigne, avec quelques lacunes. On notera qu'une grande partie de cette série, qui était conservée aux Archives départementales de l'Yonne, a fait l'objet d'une restitution en faveur des Archives municipales d'Auxerre en 2018. L'édit d'avril 1777, qui réglemente la formation de communautés de métiers dans le ressort du Parlement de Paris, confirme le pouvoir du corps de ville en matière de police des métiers. Trois registres découlent de l'application de cet édit, recensant les maîtres reçus dans les communautés, les agrégés aux communautés et les déclarations pour l'exercice des métiers libres. Le tribunal de police intervient dans l'exercice des métiers : dans le domaine de la vente de marchandises ou du maintien de l'ordre chez les compagnons, mais aussi en procédant à des saisies à la demande des communautés de métiers chez des artisans en infraction.
– La police du territoire semble être une thématique qui donne lieu à peu de réglementation. On relèvera toutefois la présence d'ordonnances de police concernant les limites et l'entretien des chemins (1779), les heures d'entrée et de sortie du bétail en ville (1784), le nettoyage des rues et l'enlèvement des boues (1733-1787), et la garde des propriétés (1788).
– Le siège de la police s'intéresse de façon croissante à la prévention et à l'assistance. À ce titre, la lutte contre les incendies occupe une place importante dans la documentation, à travers des dispositions préventives (1729-1782), le choix d'une pompe à incendie (1749-1751), ou la conduite d'enquête en cas d'incendie suspect (1781). La proximité de l'Yonne oblige la juridiction à se pencher sur l'assistance aux noyés (1784). On signalera enfin une pièce relative aux enfants mineurs (1701).
• Sous l'appellation d'« activité contentieuse » ont été regroupées les minutes du tribunal de police qui forment une série couvrant la période 1705-1787, des minutes et sentences isolées (1783-1789, 1786) et, enfin trois dossiers de procédure des années 1780.
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1. Mention dans BB 2 : conclusion du corps de ville du 13 juin 1575.
2. Sur l'exercice de la police par le corps de ville dans la seconde moitié du XVIe siècle, voir Maximilien Quantin, « Recherches sur le régime municipal à Auxerre au milieu du XVIe siècle », dans Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, 1879, p. 5-76, aux p. 14-17.
3. Feudiste 205 n° 1 à 16.
4. FF 5 : règlement imprimé touchant la police des blés (14 septembre 1693).
5. Feudiste 174 n° 19, en s'appuyant sur une déclaration du roi du 12 mars 1697 portant règlement des fonctions, rang et séance des maires de la province de Bourgogne.
6. Feudiste 93 n° 19 : « Maintient et garde lesdits lieutenant général et prévost chacun en ce qui les concerne dans le droit de convocquer toutes assemblée généralles et particulières pour fait de police, d'exercer leurs fonctions et d'avoir toute jurisdiction pour les choses qui en dépendent, de procéder à la réception des maistres des arts et mestiers, de recevoir le serment des sindics et jurez desdits corps, de connoistre de l'exécution des statuts et des contraventions à iceux, de donner des permissions aux marchands forains, opérateurs et tous autres et généralement dans tout ce qui concerne laditte police suivant et ainsy qu'ils en ont jouy par le passé. Fait Sa Majesté déffence ausdits maire et eschevins et à leurs successeurs de les troubler et de faire aucunes ordonnances généralles ny particulières concernant la police sous quelque prétexte que ce soit ».
7. Athanase-Jean-Léger Jourdan, Decrusy, François-André Isambert, Alphonse-Honoré Taillandier, Recueil général des anciennes lois françaises, depuis l'an 420 jusqu'à la Révolution de 1789..., Paris, 1821-1833, t. 20, p. 346 n° 1694 (édit portant création d'une lieutenance générale de police en chaque cour de Parlement), et n° 1697 (édit portant création de procureurs du roi, greffiers et huissiers, et de commissaires de police, dans la résidence des lieutenans généraux de police) : « Nous voulons et ordonnons que lesdits lieutenans généraux de police connoissent de tout ce qui concernera la sûreté des villes et lieux où ils seront établis, du port d'armes prohibé par nos ordonnances, du nettoyement des rues et places publiques, de l'entretenement des lanternes dans les villes où l'établissement en a été fait, circonstances et dépendances ; de toutes les provisions nécessaires pour la subsistance desdites villes, des amas, et des magasins qui en seront faits, du taux et prix des denrées, auront la visite des halles, foires et marchez, des hôtelleries, auberges, maisons-garnies, cabarets, caffez, tabacs, et autres lieux publics ; auront la connoissance des assemblées illicites, séditions, tumultes et désordres qui arriveront à l'occasion d'icelles, des manufactures, et dépendances d'icelles, des élections des maîtres jurez de chacun corps de marchands et métiers, des brevets d'apprentissage, et réception des maîtres, des rapports, et procès-verbaux de visite des jurez, et de l'exécution des statuts et réglements des arts et métiers, donneront tous les ordres nécessaires dans les cas d'incendies ou inondations, feront l'étalonage des poids, balances et mesures des marchands et artisans desdites villes et fauxbourgs d'icelles, à l'exclusion de tous autres juges, connoitront de l'exécution de notre déclaration du dernier août 1699 touchant le trafic des bleds, recevront le serment de ceux qui voudront faire le trafic desdits blés et autres grains, à l'exclusion de tous nos autres juges... connoitront aussi des contraventions qui seront commises à l'exécution des ordonnances, statuts et règlements faits pour le fait de l'imprimerie et de la librairie... assisteront à toutes les assemblées de villes et y auront voix délibérative, parapheront tous les buletins qui seront délivrez par les jurats, capitouls, consuls, maires et échevins pour les logemens des gens de guerre, et généralement appartiendra ausdits lieutenans généraux de police l'exécution de toutes les ordonnances, arrêts et réglemens concernant le fait d'icelle, circonstances et dépendances ».
8. Feudiste 73 n° 7 (arrêt du Conseil du 8 décembre 1699).
9. Feudiste 73 n° 8 (pièce perdue, août 1700). Analyse de l'Inventaire général des titres et papiers des archives de l'hôtel de ville d'Auxerre en quatre armoires et quatre volumes, t. 2, p. 31 : « Imprimé d'une déclaration du roy portant suppression de plusieurs offices... Sa Majesté disant... avons accepté les offres des gens des trois États de la province de Bourgogne... et en conséquence avons éteint et supprimé les offices de nos lieutenans généraux, nos procureur greffiers commissaires et huissiers de police, créez par les édits des mois d'octobre et novembre dernier, les unissans et incorporans aux offices des maires, échevins, nos procureurs, substituts et grefiers des hôtels de ville, à l'exception seulement des villes et lieux où la police appartenoit et étoit exercée par les officiers des seigneurs particuliers, lesquels nous avons maintenus et confirmez dans tout et tel droit qu'il peuvent avoir de faire exercer et connoitre de la police, comme ils avoient droit de le faire avant lesdits édits ; et le surplus des fonctions de ladite police apartiendra dans lesdits lieux, auxdits officiers des hôtels de ville. Voulons que les prévôt et autres officiers qui exerçoient cy devant la police dans la ville d'Auxerre et autres villes dudit pays soient indemnisez par les officiers desdits hôtels de ville ou par les États et sindic desdits pays... Regîtré au parlement de Dijon le 13e septembre suivant ».
10. BB 31, fol. 48 v-49 ; copie dans Feudiste 73 n° 9.
11. BB 31, fol. 55-55 v : conclusion du 10 novembre 1700.
12. Archives départementales de l'Yonne, F 66.
13. Feudiste 174 n° 18 (22 octobre 1688).
14. Feudiste 174 n° 19 (1er février 1699).
15. Feudiste 96 n° 14 (10 décembre 1701).
16. Jean-Paul Desaive, « Des charrettes et des blés : l'approvisionnement du marché d'Auxerre au XVIIIe siècle », dans Histoire et sociétés rurales, n° 5, 1996, p. 145-158.
17. FF 63 [1777-1789].
18. FF 64 (1777-1789).
19. FF 65 (1777-1789).